Qui a composé la préface «A tous amateurs» de la Bible d'Olivétan de 1535?
Résumé
Les travaux consacrés à l'établissement de la nouvelle édition de la correspondance de Calvin nous ont ramenés au mystère qui entoure l'identité de l'auteur de la célèbre préface au Nouveau Testament, «A tous amateurs de Jesus Christ et de son evangile», qui figure dans la Bible française d'Olivétan publiée par Pierre de
Vingle en juin 1535 (1). Bien que le nom de l'auteur n'y apparaisse pas, pour bon nombre de spécialistes, il ny a pas d'énigme : il doit forcément s'agir de Calvin. Si tel était bien le cas, nous aurions alors au moins fourni ce que l'on pourrait appeler une «case vide» assortie de références, dans notre édition des lettres de Calvin, dont le premier volume est paru chez Droz en 2004(2). [...[
Références
LA BIBLE Qui est toute la Saincte escripture. En laquelle sont contenus, le
Vie/Testament et le Nouveau, translatez en Francoys. Le Vieil, de Lebrieu : et
le Nouveau du Grec, Neuchâtel, Pierre de Vingle, 1535, aai-aaü r>.
Ioannis Calvini, Epistolae, VoL I (1530 sep. 1538}, Cornelius
Augustijn, Frans Pieter van Stam et aL (éd.), Genève, Droz, 2005
(Opera Omnia, Series VI Epistolae). Ep. 21, p. 112, est un exemple de
case vide, alors que la lettre a reçu un chiffre (21), mais le texte luimême
sera fourni dans un autre volume de la correspondance.
Eduard Reuss, Fragments littéraires et critiques relatifs à l'histoire de la
Bible française, Genève, Slatkine, 1979 [réimpression d'articles de 1851
à 1857), p. 260; Bèze en fournit une traduction latine dans son édition
des Epistolae et responsa de Calvin (Genève, 1575), p. 393-400.
D'après son colophon, la Bible d'Olivétan parut le 4 juin 1535. La préface
du Nouveau Testament «A tous amateurs» a dû être complétée
des mois auparavant. La préface de Calvin à son Institutio est datée du
août 1535.
G. Gonnet, «Le premier synode de Chanforan de 1532 »,Bulletin de la
Société d'histoire du protestantisme français, no 109, 1953, p. 201-221, et
Gabriel Audisio, « Pourquoy une bible en français pour les Vaudois?»,
dans Olivétan, traducteur de la Bible. Actes du colloque Olivétan, Noyon,
mai 1985, Georges Casalis et Bernard Roussel {dir.), Paris, Éditions du
Cerf, 1987,p.117-137.
Dans son «Apologie du translateur», Olivétan mentionnait Guillaume
Farel, Pierre Viret et Antoine Saulnier sous des pseudonymes; voir le
titre qui précède ce texte dans La Bible qui est, iii ro : «Le translateur
à ses freres fideles en nostre Seigneur : Hilerme Cusemeth, Cephas
Chlorotes et Antoine Almeutes». li écrit plus loin à propos de Farel
et Viret (les citations suivantes sont également révélatrices du style
caractéristique d'Olivétan): «[ ... ]vous [ ... ] m'avez tant prié, sollicité,
importuné et quasi adjuré, qu'a y esté constreinct à entreprendre ceste
si grande charge, laquelle certes toy, Cusemeth [Farel], et Chlorotes
[Viret] eussiez peu faire trop mieulx que moy, si Dieu vous eust voulu
permettre et donner le loysir et qu'il ne vous eust appellé à plus grand
chose, asçavoir pour semer le pur grain de sa parolle en son champ
fructueux et arroser et faire verdoyer son delicieux verger de Eden».
Eugénie Droz, «Pierre de Vingle, l'imprimeur de Farel», dans Aspects de
la propagande religieuse, Eugénie Droz, Gabrielle Berthoud et al (dir.),
Genève, Droz, 1957, p. 73-76.
Dans ce contexte, le pronom «nous» doit être considéré comme un
pluriel de modestie.
LaBiblequiest,II~.
Dans la lettre de Calvin du 11 septembre [1535], il déclare qu'il attend
pour commencer à corriger le Nouveau Testament d'Olivétan;
Correspondance VI/1, p.115-118 (ep.22). Seule l'année 1535 est appropriée
dans ce cas, parce que Calvin se réfère à un « senio », ce qui dans
le langage typographique désigne un cahier de six feuillets de l'édition
imprimée. De plus, dans une de ses préface à sa Bible, Olivétan fait
référence à trois hommes qui l'ont encouragé, supporté et guidé dans le
cadre de son travail de traducteur de la Bible: Farel, Viret et Saulnier;voir la note 6. Si Calvin avait été l'un de ses principaux collaborateurs,
on se serait attendu à ce que son nom figure dans cette liste.
La Bible qui est, [v] y-O,
La Bible qui est, I y-O, Nous ne disposons d'aucun texte de Calvin en
français avant 1536.
Olivétan est décédé lors d'un séjour en Italie en 1538, dans des circonstances
inconnues, peut-être un meurtre. Voir Correspondance VI/1,
p. 183 (ep. 34).
Le seul petit morceau de papier où figure l'écriture manuscrite d'Olivétan
est sa lettre aux gouverneurs de Neuchâtel. Dans Documents
inédits sur la Réformation dans le Pays de Neuchâtel (Neuchâtel, Archives
de l'État, 1909, p. 521-523 (no 165)), Arthur Piaget l'a publiée et datée
de 1531: cette année-là, Olivétan (signant cette lettre Louis Olivier) y
travaillait comme instituteur. Olivétan déclarait dans cette lettre qu'il
vivait pauvrement : «ne sachant sur qui seront faictz les dits despens, attendu
que telz ma pauvreté ne pourrait porter», et : « [ ... ] veu a ussy que
je suys pour le present de toute chose destitué et que l'yver aproche».
Cette information est d'autant plus surprenante qu'à sa mort, il s'avéra
qu'il avait possédé une importante collection de livres, dans les faits
l'une des plus imposantes bibliothèques du XVIe siècle; voir l'inventaire,
qui ne mentionne qu'une partie des livres, dans A.-L. Herminjard,
Correspondance des Réjôrmateurs dans les pays de langue française 6,
p. 13-27 ( ep. 816), etJ ean-Claude Dony, «La bibliothèque d'Olivétan »,
dans Olivétan, traducteur de la Bible, ouvr. cité, p. 93-106. Il est probable
qu'Olivétan ait acheté ses livres avec l'énorme somme d'argent que les
Vaudois amassèrent pour la traduction de la Bible en français (500 écus
d'or!); voir Herminjard 2, p. 452-453 (ep. 393) : «Ad typographum
[=Pierre de Vingle] dati sunt quingenti aurei nummi [ ... ] ut quam poterit
brevissime imprimatur». Calvin hérita d'une part considérable des
livres d'Olivétan. Les lettres d'Olivétan ont peut-être été délibérément
détruites. Il correspondait avec Calvin, Farel, Fabri, Saulnier, Viret et al,
et toutes ces lettres sont perdues. Pourquoi?
La Bible qui est, resp. ii t>-y-O (datée du 12 février 1535) et iii t"- vy-0.
Il en existe deux éditions, l'une de 1533 à Genève, imprimée par Pierre
de Vingle,et une autre en 1537,imprimée par Jean Gérard à Genève;
voir Francis M. Higman, Piety and the People. Religious Printing in
French, 1511-1551, Aldershot, Scholar Press, 1996, «St Andrews studies
in Reformation History», p. 335, et Gabrielle Berthoud, «I.:édition
originale de L'Instruction des enfans par Olivétan», Musée neuchâtelois,
n° 24,1937, p. 70-79. Au lieu de son nom, Olivétan utilisaitle pseudonyme
Belisem d'Utopie. À l'époque où il préparait son édition de 1533,il vivait déjà parmi les Vaudois dans les Alpes. Pour cet article, j'ai utilisé
l'édition de 1537.
Voir le texte dans Correspondance VI/1, p. 105-113 (ep. 20).
La Bible qui est, AAAi v".
Achim Detmers, Reformation und ]udentum. Israei-Lehren und
Einstellungen zum]udentum von Luther bis zumfrühen Calvin, Stuttgart,
Kohlliammer, 2001, «Judentum und Christentum 7», p. 268-276.
Capiton avait aussi connu Farel et d'autres réfugiés français dans les
années 1525-1528 alors qu'ils étaient à Strasbourg, et il est significatif
qu'il se soit rendu à Berne pour le premier synode de l'église réformée
vers 1532 (voir Reinhard Bodenmann).
D'autres résolutions des initiales« V.F.C.» ont été proposées:« Votre
frère Calvin» et« Viret, Farel, Calvin».
On ne sait à peu près rien de François Vatable, professeur d'hébreu
de Calvin à Paris (voir Peter G. Bietenholz et Thomas B. Deutscher,
Contemporaries of Erasmus. A Biographie al Register of the Renaissance and
Reformation, Toronto, University ofToronto Press, vol. 3, 1987, p. 379).
Pour des exemples, voir les deux introductions dans le Nouveau
Testament de Jacques Lefèvre, 2 vol. (Paris, Simon de Colines, 1523).
Voir La Bible qui est, resp. vii v" (Bonaventure Des Périers), ooi .{">(Des
Périers et Hugues Sureau du Rosier), rri t' (Matthieu Grarnelin =
Thomas Malingre).
Les premiers vers de ce poème se lisent comme suit: «Lecteur ~ntends,
liÎ yerité j!C}resse/ yiens .donc Quyr instamment lia promesse/ ~t yif
parler, lequel ~n ~cellence».
I:autre introduction, celle desApocrypha, a été attribuée à Olivétan par
Eduard Reuss, qui a publié une étude approfondie de la Bible d'Olivétan
(E. Reuss, Fragments littéraires, ouvr. cité, p. 270).
Friedrich Mildenberger, «Heilsgeschichte», dans RGG, 4e édition,
vol. 3, Tubingen, 2000, p. 1584-1586.
Wilhelm H. Neuser, «The Fll'st Outline of Calvin's Theology: the
Preface to the New Testament in the Olivétan Bible of 1535 », Koers.
Bulktin for Christian Scholarship, no 66,2001, p. 1-38.
On ne doit pas négliger le contraste entre la phrase d'ouverture de
l'Institutio de Calvin de 1536 («Nearly the whole of sacred doctrine
consists in these two parts : knowledge of God and of ourselves >>)
et cette remarque de «A tous amateurs» : «Car ceste est la vie eternelle
: congnoistre ung seul, vray Dieu et celuy que il a envoyé, Jesus Christ, auquel il a constitué le commencement, le moyen et la fin de
nostre salut».
Olivétan, Instruction des enfans, Genève, Jean Gérard, 1537, p. 140-141.
La Bible qui est, ilii r".
Jean-François Gilmont, «La fabrication et la vente de la Bible d'Olivétan
», Musée neuchâtelois, no 22, 1985, p. 218-220: «I.:orthographie
nouvelle».
G. Berthoud, «OEdition originale de l'Instruction des enfons», art. cité,
p. 71.
[Olivétan], L1nstruction des enfans, p. 95 et 99.
La Bible qui est, aaii v".
La Bible qui est, resp. ü V' et aaii v".
Une preuve supplémentaire peut être obtenue dans les préfaces en
étudiant des thèmes comme l'appel d'Olivétan à la résistance (alors
que dans sa préface à son Institutio, Calvin insiste sur l'obéissance),
l'accent mis sur les souffrances des Vaudois («pauvre peuple»), son
usage répété de la formule d'adresse «Chretiens et chretiennes,» etc.
Deux epistres: «L'une demonstre comment Jesus Christ est la fin de la
loy [ ... ] composée par M[onsieur] I. Calvin; l'autre pour consoler les
fidels qui souffrent persecution[ ... ] composée par M[onsieur] P. Viret
([Genève, Jean Girard], 1543)». Une nouvelle édition paraît en 1545;
voir Rodolphe Peter et Jean-François Glimont, Bibliotheca Calviniana
, Genève, Droz, 1991, p. 141-143,204-205; no• 43/8,45/12.
Voir la note 14.
On trouve aussi dans «A tous amateurs»: «Ne soyons desolez comme
si toute esperance estoit perdue, quand nous verrons mourrir et perir
devant noz yeulx les vrays serviteurs de Dieu» et, dans « I.:humble et
petit translateur»: «Ce paovre peuple qui[ ... ] fut deschassé et banny
[ ... ] plus de troys cens ans ya et espars aux quatre parties de la Gaule,
tenu depuis et repu té [ ... ] le plus meschant, execrable et ignominieux
que jamais fut» (La Bible qui est, resp. aaii V' and ü r").
[Pierre Viret], Epistre consolatoire envoyée aux jideles qui souffrent persecution
([Genève, Jean Girard], 1541; Jean-François Gilmont et al (dir.),
«Bibliotheca Gebennensis. Les livres imprimés à Genève de 1535 à
», Geneva, no 28,1980, p. 235 (no 41/15).
La Bible qui est, aa2 r·; Calvin/Viret, Deux epistres (Genève, 1543),
.
Pour les descriptions des éditions de la Bible et du Nouveau Testament,
voir Bettye T. Chambers, Bibliography of French Bibles: Fifteenth- and Sixteenth-Century French-Language Editions of the Scriptures, Genève,
Droz, 1983, «THR 192».
Le nom de Girard est manquant, mais son matériel typographique a
été utilisé; voir R. Peter et J.-F. Gilmont, Bibliotheca Calviniana 1, ouvr.
cité, p. 143 (n° 43/8).
En 1544, Michel semble avoir déplacé son imprimerie de Genève à
Lyon.
B. Chambers, Bibliography of French Bibles, ouvr. cité, p. 154-156,
-180,186-188.
La préface «A tous amateurs» a-t-elle été utilisée dans le Nouveau
Testament de Jean Michel? À ce sujet, voir B. Chambers, Bibliography
of French Bibles, ouvr. cité. Sur Girard, voir R. Peter et J.-F. Gilmont,
Bibliotheca Calviniana 2, ouvr. cité, 1096, et sur Miche~ Gabrielle
Berthoud, «Les impressions genevoises de Jean Michel (1538-1544) »,
dans Cinq siècles d'imprimerie genevoise, vol. 1, Jean-Daniel Candaux
et Bernard Lascaze (dir.), Genève, Société d'histoire et d'archéologie,
, p. 55-88.
Sur cet exil, voir Frans P. van Stam, «Farels und Calvins Ausweisung
aus Genfam 23.April1538», ZKG,n° 110, 1999,p.209-228.
Sur Marcourt et Morand, voir Gabrielle Berthoud, Antoine Marcourt.
Réformateur et pamphlétaire du Livre des marchans aux Placards de 1534,
Genève, Droz, 1973, «THR 129», et James K. Farge, Biographical
Register of Paris Doctors of 1heology 15D0-1536, Toronto, Pontifical
lnstitute of Mediaeval Studies, 1980, « Subsidia mediaevalia 10 »,
p. 337-339. Calvin et Farel considéraient Marcourt et Morand comme
des traîtres (Correspondance, 10/2,208 (ep.121) [Herminjard 5,28 (ep.
]).
La reconnaissance de dette de Michel pour cet achat date du 19 octobre
; voir G. Berthoud,Antoine Marcourt, ouvr. cité, p. 283 : «à Noble
et saige personne J ehan Merveilleux, Bourgeois dudict Neufchastel, absent,
et Maistre Anthoine de Marcourt, predicant du st. evangille audict
Neufchastel [ ... ]. Assavoir la somme de vingt escux d'or sol de bon or
et de juste poix, troys groz moings [ ... ] pour le transpourt et remise
qu'il m'a faicte de certains quantité de meubles et utensils de mayson,
ensamble des presses et les appertenances d'icelles que luy furent taxées
puys naguerez des biens de feuz Pierre de Vingle,jadix imprimeur, avec
certaines quantité de bibles et d' aultres livres».
Il apporta aussi à Genève le reste des copies de la Bible d'Olivétan,
que l'on pouvait toujours acheter à Genève en 1561 et même en 1670,
voir Jean-François Gilmont, «La fabrication et la vente de la Bible
d'Olivétan», art. cité, p. 213-224.
Saulnier connaissait déjà Farel depuis son séjour à Paris; voir Les
Actes de la dispute de Lausanne 1536, Arthur Piaget (dir.), Neuchâtel,
Secrétariat de l'Université, 1928, p. 204.
Théophile Dufour, «Notice bibliographique sur le Catéchisme et la
Confession de foi de Calvin (1537) et sur les autres livres imprimés à
Genève et à Neuchâtel dans les premiers temps de la Réforme (1533-
»,dans Albert Rilliet et Théophile Dufour, Le Catéchisme Jran;ais de
Calvin publié en 1537,réimprimé pour la première fois d'après un exemplaire
nouvellement retrouvé et suivi de la plus ancienne Confession de
foi de l'Église de Genève, avec deux notices, Genève/Paris, H. Georg/
Fischbacher, 1878, p. CCLXXX-CCLXXXI, et G. Berthoud, «Les
sions genevoises de Jean Michel (1538-1544) »,art. cité, p. 67.
Dans «Le contrat d'édition de la Bible de l'épée, Genève, 1540»
(Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, no 18, 1956, p. 110-113),
Jean-François Bergier fournit le contrat pour la Bible de l'épée de
Girard, pour laquelle il eut besoin de l'aide de deux marchands, Jean
Chautemps et Jean de la Maisonneuve: «pour faire et imprimer la
bible. Et ce à myez prouffi.t et myez perde. Et fere la vente pour ensamble.
Et portant par lesdictes parcties toutes charges et dispances
pour ensambles et en commun. Et pour einssy lesdictes parcties en ce
affere associent avecq eulx le sire Jehan de la MaisonneufVe [ ... ].Et ce
en condiction que leditJehan de la Maisonneufe doyje avoyer lesdictes
bibles par le pris qui costeraz ausdictes parties sans poyent de prouffi.t
y devoyer prendre sus ly. Et pour ce moyen lesdis Jehan Chautemps
et Jehan Girard et chesqun de eul:x pour le tout confessent debvoyer
auditJehan de la MaisonneufVe trente escus au soloyl au cuing du roy
de France pour l'avancement desdictes parties, lesqueul:x y confessent
avoyer heu».
Frans P. van Stam, «Le livre de Pierre Caroli de 1545 et son conflit avec
Calvin», dans Calvin et ses contemporains, Olivier Millet (dir.), Genève,
Droz, 1998, « CHR 53 »,p. 21-41.
Voir la lettre dans Correspondance 11,592-594 (ep. 487) [Herminjard
, pp. 446-449 (ep. 1256) : « [ ••• ] impostores quidam [ ... ] senserunt
te abesse, mox protulerunt quaedam in lucem, quae falso jactant argumenta
seu judicia suprascripta singulis capitibus Novi Testamenti quod
novissime castigasti [ ... ]. Statuerant enim (ut opinamur) inscribere
tuum nomen in fronte, ea causa ut pluris venderent. Sed ubi deprehendimus
rem, non cessavimus instanter eos accusare apud Senatum
velut calumniatores, falsarios, conspurcatores imperitos, qui talia ediderunt
: indignum esse librum qui prodeat ex officina ecclesiae nostrae ».
Le 26 juin 1543, les ministres genevois Abel Poupin et Matthieu rapportèrent
au Conseil« comment M. Calvin havoyt corrigé un Nouveaul:x Testament, qui estoyt au vray; més aulchongs, desirant calumpnye sus
l'escripture saincte, hont fayet ung summayre suspect sous le nom du dit
M. Calvin, lequelt Jehan Michiel a imprimé». Le 3 juillet, le Conseil
prit la décision suivante : «on havoyt donné charge aux predicans de
visité les Nouveaulx:Testamens avecques les summayres imprimés par J.
Michel: [ils] ont refferu qu'il trove es dits summayres erreurs». Le 10
juillet, le Conseil décida : «Ayans aoys les predicans, aussy le dit imprimeur
et ung aultre avecques luy : resoluz que, avant que permectre qu'il
soyent imprimés, que l'imprimeur doybge alle[r] trove[r] M. Calvin
et Me G. Farel [à] Estrabourg, et si [Calvin] escripve qùil n'y a nul
erreur, il leur sera permys de imprimé et parachevé l'hoeuvre». Le 31
août, le Conseil résolut ce qui suit : « Ayans aoys M. Calvin et les autres
ministres qu'il hont visité le nouveault testament que Johan Michiel a
imprimer : combien que en icelluy aye plusieurs faultes aux sommayres,
[ ... ] luy ayans fayet bonnes remonstrances pour ceste foys luy soyt
permys de parachevé l'oeuvre, moyennant qu'il ne mecte pas Geneve
ny le nom de M. Calvin». Néanmoins, quelques copies parurent avec
le nom de Calvin, conformément à une préface de Calvin dans les éditions
du Nouveau Testament de 1545 et 1546 de Girard : « Pource qu'en
l'autre impression du nouveau Testament, on avoit miz au tiltre que je
l'avoye revue et corrigée»; Herminjard 8, p. 447-449, nn. 6.10.14.15 (ep.
et J.-F. Gilmont, «Bibliotheca Gebennensis», 237 (no 3a: revue
M. Jean Calvin. Imprimé à Genève: ParI. Girard 1543), 239 (no 1 :J.
M.[ichel], 1544), 244 (no 4: revue par J. Calvin. [Genève :J. Girard],
»).